Ainsi plus de vingt-cinq ans se sont écoulés depuis le sabordage de cette petite revue et du groupe qui l’animait.
Pour de nombreuses raisons, il n’est pas facile aux initiateurs de se repencher sur ce passé, pas facile pour ceux qui n’ont en rien renié cette expérience de regarder en arrière. Les protagonistes ne peuvent que porter témoignage d’une tentative qui fut ce qu’elle fut.
De même, il est difficile aujourd’hui d’évaluer ou d’analyser l’apport du courant non violent en général dans la volonté de libération et de justice du mouvement révolutionnaire qui continue.
De même, ce n’est pas à nous de dire si cette revue et ce groupe ont pu laisser quelques filiations d’importance.
Certes, si l’on considère le monde qui bouge, on arrivera à discerner dans les combats engagés de-ci, de-là, comme une « suite » de l’esprit et des techniques que nous avions essayé de promouvoir.
Pour mémoire, nous ne citerons que les plus récents : les manifestations monstres de Belgrade face au dictateur serbe, ainsi que les coups médiatiques du sous-commandant Marcos. En septembre 1997, la marche des Indiens zapatistes sans terre pour contraindre les autorités mexicaines à respecter les accords précédemment conclus sur la distribution des terres. «
Dans le cabaret de la globalisation, l’État se livre à un strip-tease au terme duquel il ne conserve que le minimum indispensable : sa force de répression. Sa base matérielle détruite, sa souveraineté et son indépendance annulées, sa classe politique effacée, l’Etat-nation devient un simple appareil de sécurité au service des méga-entreprises. Au lieu d’orienter l’investissement public vers la dépense sociale, il préfère améliorer les équipements qui lui permettent de contrôler plus efficacement la société.
« Que faire quand la violence découle des lois du marché ? Où est la violence légitime ? Où l’illégitime ? Quel monopole de la violence peuvent revendiquer les malheureux Etats-nation quand le libre jeu de l’offre et de la demande défie un tel monopole ? N’avons-nous pas montré dans la pièce n° 4 que le crime organisé, le gouvernement et les centres financiers sont tous intimement liés ? N’est-il pas évident que le crime organisé compte de véritables armées ? Le monopole de la violence n’appartient plus aux Etats-nations : le marché l’a mis à l’encan...
« Si la contestation du monopole de la violence invoque non les lois du marché, mais les intérêts de « ceux d’en bas », alors le pouvoir mondial y verra une agression. C’est l’un des aspects les moins étudiés (et les plus condamnés) du défi lancé par les indigènes en armes et en rébellion de l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) contre le néolibéralisme et pour l’humanité.
« Le symbole du pouvoir militaire américain est le Pentagone. La nouvelle police mondiale veut que les armées et les polices nationales soient un simple corps de sécurité garantissant l’ordre et le progrès dans les mégapoles néolibérales. » 1
Citons aussi le long et difficile combat en Afrique du Sud contre l’apartheid ; s’il ne fut pas toujours non violent, il put éviter les effusions de sang majeures et il utilisa souvent les techniques du boycott et de la désobéissance civile.
On peut remarquer également les grandes manifestations civiques qui ont brisé le régime autoritaire communiste en RDA et la chute très symbolique (et réelle) du mur de Berlin.
La résistance et la lutte non violentes contre les régimes autoritaires semblent exister aux quatre coins de la planète, démontrant leur universalité et leur non-dépendance par rapport à une quelconque croyance religieuse, quoique le bouddhisme et le christianisme soient souvent cités comme origines de ces formes de lutte.
Par contre, force nous est de constater que partout dans le monde, dès que des conflits ou des mouvements de libération apparaissent, les luttes sont très rapidement armées, et souvent fortement, sans qu’il semble y avoir de problème de financement. On se massacre avec beaucoup d’efficacité.
Bien entendu, cela s’explique par le soutien de telle ou telle grande ou moyenne puissance qui espère ainsi tirer les marrons du feu, défendre ou replâtrer ses intérêts économiques, politiques et militaires. On peut dire qu’il en est de même pour les luttes qui recourent au « terrorisme ». Quelle que soit la légitimité de la révolte du départ, le combat sombre inéluctablement dans les manipulations, le dévoiement du but libérateur et la violence aveugle. Toute révolte ou situation révolutionnaire armée entraîne par souci d’efficacité une organisation hiérarchisée et paramilitaire, ce faisant de nouveaux rapports de pouvoir se créent, se substituant aux anciens en cas de victoire.
Ce processus est illustré en ce moment d’une manière quasi caricaturale en Afrique noire ; mais nous pouvons le constater également dans l’ex-Yougoslavie, en Albanie, en Afghanistan et ailleurs. Ceci nous amène à dire que malgré leur peu de développement, les recherches et analyses menées à notre modeste échelle, mais aussi par d’autres, pour trouver des alternatives à la violence armée, restent toujours pertinentes. Lire la suite