Lors du soulèvement de Pâques 1916 2, Sheehy-Skeffington s’opposa aux insurgés, plaidant pour des formes non-violentes de désobéissance civile,
Origine : La raison -février 2018- Organe de la Libre pensée
Francis Skeffington naquit le 23 décembre 1878 à Bailieborough, Comté de Cavan. Elevé dans la foi catholique romaine, éduqué d’abord par son père, inspecteur d’éducation, il rejoindra ensuite University College, un établissement tenu par les Jésuites à St Stephen’s Green, à Dublin. Les sympathies radicales et universalistes de Francis se manifestèrent très tôt à travers son enthousiasme pour la construction de l’Esperanto. En 1893, âgé de 15 ans, il enverra une lettre au quotidien local à Cavan déclarant la langue gaélique irrémédiablement morte et estimant que "l’étude de l’Esperanto serait bien plus utile à la jeunesse d’Irlande".
Plus tard, il deviendra un locuteur de cette langue possédant de nombreux ouvrages dans sa bibliothèque. Cet engouement n’était pas rare à l’époque dans les cercles progressistes, et plusieurs des dirigeants de l’insurrection de Pâques 1916 en Irlande, à commencer par James Connolly, étaient également Espérantistes.
A University College, Skeffington fut le condisciple du grand James Joyce qui laissera de lui un portrait romancé dans son A Portrait of the Artist as a Young Man, personnage décrit sous le nom de MacCann. A l’automne 1901, Skeffington rédigea pour « St Stephen’s », le nouveau magazine littéraire de l’établissement, un essai réclamant un statut d’égalité pour les femmes à l’Université. Refusé par la censure, il sera publié en brochure à compte d’auteur, accompagné d’un essai de Joyce, et envoyé aux journaux dublinois.
En juin 1903, il épousera Hanna Sheehy, enseignante au Rathmines College of Commerce de Dublin. Ils décidèrent alors d’adopter l’un et l’autre le nom de "Sheehy-Skeffington", comme un symbole d’égalité. La famille d’Hanna Sheehy, originaire du Comté de Cork, était des fermiers et des minotiers aisés et son père avait été député nationaliste irlandais, emprisonné à six reprises pour ses activités révolutionnaires.
Elevés l’un et l’autre dans le catholicisme, Hanna et Francis avaient rompu avec la religion et étaient des athées déclarés. Quand leur fils, Owen, naquit en 1909, ils refusèrent tout naturellement qu’il soit baptisé. Ensemble, Hanna et Francis rejoignirent l’organisation suffragiste Irish Women’s Suffrage Association, et la section des jeunes de l’United Irish League. Plus tard, ils fonderont l’Irish Women’s Franchise League et Hanna sera emprisonnée à deux reprises pour son engagement pour le droit de vote des femmes en 1912-13.
Lors de la grande grève du lock-out de Dublin, en 1913, Francis Sheehy-Skeffington s’engagera dans le Citizen’s Peace Committee, formé par des militants républicains comme Tom Kettle et Thomas MacDonagh, avec Joseph Plunkett comme secrétaire. Il sera un temps vice-Président de l’Irish Citizen Army, service d’ordre syndical ouvrier constitué en réponse au lock-out patronal. Il témoignera en faveur du syndicaliste Jim Larkin après son arrestation et l’assaut brutal de la police contre un ras¬semblement pacifique sur Sackville street 1, en août 1913.
Lors du soulèvement de Pâques 1916 2, Sheehy-Skeffington s’opposa aux insurgés, plaidant pour des formes non-violentes de désobéissance civile, alors qu’Hanna rejoignit une brigade féminine qui ravitaillait les républicains qui occupaient la Grande Poste (G.P.O.) et le Collège Royal de Chirurgie. Le 25 avril 1916, alors qu’il se rendait à son domicile de Rathmines, au sud de Dublin, il fut intercepté par des soldats britanniques à l’entrée du pont de Portobello, sur le Grand Canal. Reconnu comme militant républicain et socialiste, détenu en otage, il sera sommairement exécuté par les hommes du 3e bataillon des Royal Irish Rifles.
Après sa mort, Hanna s’engagea dans le combat pour l’unité et l’indépendance de toute l’Irlande, militante du Sinn Féin, emprisonnée maintes fois pour ses activités, elle sera active sa vie durant dans l’Irish Women’s Workers’ Union.
Leur fils, Owen Sheehy-Skeffington étudia à l’École Normale Supérieure, devint maître de conférence de français à Trinity College. Membre du Labour Party, il sera élu au Seanad Eireann (le Sénat de la République d’Irlande) en 1954, comme socialiste indépendant. Membre fondateur de l’association Humanist Association of Ireland, il sera un ardent promoteur de l’Ecole laïque et un infatigable organisateur de la campagne contre les crimes perpétrés dans les institutions dirigées par les Christian Brothers.