Le « Larzac » est rentré dans le rang
Gilles Gesson
Article mis en ligne le 30 novembre 2023

« Le » révélateur de la Légion étrangère

L’annonce gouvernementale du 31 juillet 2015 selon laquelle un régiment de la Légion étrangère allait prendre ses quartiers sur le Larzac, a surpris tout le monde : anciens et nouveaux habitants,
militants et sympathisants d’hier et d’aujourd’hui, presse locale et nationale, voire internationale.

Comment ? « On » osait densifier la présence militaire sur le Larzac, haut lieu de la résistance antimilitariste des années 1970 ? De l’extérieur, on s’attendait à une levée de boucliers. Mais c’était bien mal connaître l’intérieur : du cocktail « nitroglycérique » qu’était auparavant le Larzac, l’acide nitrique s’est évaporée. Ne reste que la glycérine...

Il faut dire que le mythe du « Larzac terre de résistance » est, depuis la fin de la lutte, bien entretenu.

Il est même devenu une sorte de rente morale exploitée par la majorité des « historiques ». La sortie en 2011 du film Tous au Larzac, de Christian Rouaud, a parachevé l’oeuvre : grand succès public, critiques dithyrambiques, César du meilleur documentaire, projection au Festival de Cannes... Dans les anciennes générations, beaucoup de ceux qui s’étaient investis dans la lutte contre l’extension du camp militaire, retrouvaient, la larme à l’oeil, leurs souvenirs de jeunesse.

Dans les nouvelles, noyés dans l’anesthésie politique ambiante, beaucoup découvraient, à la recherche de repères, l’une des rares luttes victorieuses de l’histoire du mouvement social. Des « journalistes » citadins nous resservaient les images d’Épinal du « bon sens paysan », fleurant bon le terroir, la « campagne d’autrefois »... l’encaustique et la naphtaline.

Depuis, on colle l’adjectif « Larzac » sur toute lutte sociale actuelle ayant pour objet la préservation d’un territoire (Notre-Dame-des- Landes, Sivens, etc.). Un modèle aujourd’hui comme fixé dans le marbre par un historien local, dont le récent livre définit la lutte du Larzac comme « une contestation devenue référence » (1). On oublie juste que l’Histoire est écrite par les vainqueurs. Et que le mythe n’est pas toujours éternel. I

l n’est bien sûr pas question ici de remettre en question le passé pour autant. Quelle que soit la manière dont on interroge les archives, la lutte du Larzac a bien eu lieu. Elle a agrégé des milliers de sympathisants venus d’horizons très divers. Elle a formé, à l’épreuve du terrain, une nouvelle génération de militants. Les Paysans du Larzac ont mené cette lutte au quotidien, en première ligne, durant dix longues années. Et ils ont, avec leurs soutiens, gagné.

Mais gagné quoi ? Hier, le Larzac a été libéré du joug militaire. Mais aujourd’hui, fidèle à l’adage « ce qui sort par la porte revient souvent par la fenêtre », le joug menace à nouveau. Et s’il le peut, c’est cette fois avec la complicité passive des mêmes qui l’avaient combattu.

Que s’est-il donc passé, ou plutôt que se passe-t-il ? Répondre à cette question permettra de comprendre pourquoi cette « communauté », se revendiquant toujours « militante et solidaire » et toujours prompte à donner des leçons au monde entier, n’a pas bronché après l’annonce du 31 juillet.

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