La lutte antimilitariste a constitué au tournant du siècle la plateforme politique de la jeunesse contestataire. Elle prit tour à tour et selon les pays des accents révolutionnaires ou profondément intégrateurs ; mais elle réussit à délimiter un champ d’intervention antibelliciste commun. Nous en présenterons sommairement les principales manifestations au sein de l’Internationale des jeunesses socialistes : considérée comme le principal lieu de diffusion de l’antimilitarisme, cette organisation a déjà suscité de nombreux travaux, dont ceux de P. Dogliani2, sur lesquels nous reviendrons brièvement. Cette mise en contexte nous incitera à envisager les manifestations les plus importantes de ce mouvement en France sous un jour nouveau : car, on le verra, elles représentent une forme particulière d’antimilitarisme de la jeunesse, rarement pratiqué par les autres mouvements de jeunesse affiliés à l’Internationale, et encore moins encouragé par elle ou les partis qui la soutiennent.

I. L’Internationale des Jeunesses Socialistes devant la guerre :

La question de l’antimilitarisme de la jeunesse est sans cesse mise à l’ordre du jour de cette organisation créée dans le sillage des grands partis socialistes européens. En 1912, à la veille du congrès de Bâle, deux grandes tendances divisent cette organisation, laquelle donnait depuis le congrès de Stuttgart en 1907, tous les signes de bonne santé et de stabilité. D’une part les grandes organisations germanophones, modérées, préconisent à leurs milliers de membres de limiter leur action à l’activité culturelle, sportive et même syndicale ; d’autre part les petites organisations, radicales voire extrémistes, s’inscrivent en faux contre cette pratique et réclament une intervention vigoureuse des jeunesses contre la guerre. Pour les fédérations de la région balkanique, cette demande est certainement motivée par la guerre qui y fait rage, tandis que les fédérations italienne ou espagnole se mobilisent contre les exploits coloniaux, ce qui alimente discours et polémiques sur la forme que devra prendre leur action. Le fait que cette opposition éclate au congrès de Bâle traduit des changements significatifs dans la perception que ces organisations ont de l’antimilitarisme, mais aussi dans la nature du débat et bientôt du combat qu’elles auront à livrer. En d’autres termes, la proximité du danger de guerre et pour certains pays, l’expérience de la guerre elle-même, entraînent des remaniements profonds dans l’appréhension de la lutte antimilitariste.

Alors que jusque là antimilitarisme incluait, selon la définition large qu’en donnait Liebknecht au congrès de Stuttgart, tous les éléments de domination sociale qu’une classe exerçait sur une autre et n’était que le prolongement de la lutte de classe, avec la militarisation accrue des pays d’Europe et leur préparation à la guerre, l’antimilitarisme devient nécessairement beaucoup plus concret et la lutte des conscrits plus spécifique et dangereuse. Non que celle qu’ils ont menée auparavant fût moindre : s’opposer au conditionnement physique et psychologique du "militarisme intérieur" ne fut jamais chose aisée. L’obligation militaire qui frappait tous les jeunes gens en âge de faire 2 à 3 ans de service pour la patrie, et l’anomie dans laquelle ils tombaient une fois enrégimentés, la toute puissance de la hiérarchie militaire qui faisait peser une chape de plomb sur tous ceux qui auraient eu envie de s’y opposer, représentaient autant d’entraves à une action collective ou concertée. Toutefois, le modèle marxiste de l’histoire forçait ses tenants, du moins ceux que la question antimilitariste préoccupait, et ils étaient peu nombreux en réalité, à l’envisager sur le même mode : face à l’accroissement des armements et des techniques militaires, le soldat dans son armée, tel l’ouvrier dans son usine, deviendrait suffisamment instruit pour dominer la machine et transformer l’armée en instrument de paix et de progrès. C’est pourquoi, à quelques exceptions près, les dirigeants socialistes sont unanimes à dénoncer l’insoumission et la désertion. La croyance d’un Jaurès en l’armée nouvelle fait partie d’une conception "démocratique de l’armée", école de la nation et outil de libération des peuples quand elle n’est pas entre les mains des capitalistes, celui de leur oppression. Certains socialistes iront jusqu’à proposer des réformes législatives pour faire de l’armée une force populaire de défense nationale (projets de loi Klausen-Wilmann au Danemark en 1907 et Jean Jaurès en France en 1910).

Les guerres balkaniques, la montée des nationalismes de droite et la proposition de prolonger le service militaire à trois ans dans presque tous les pays européens mettent fin à cette vague réformatrice. Les ressentiments et dissensions qui en résultent au sein de la IIe internationale et par voie de conséquence dans l’Internationale des Jeunesses socialistes n’en seront que plus vifs. Car, comme on s’en doute, ce n’est qu’un des éléments qui rendent caduc le fragile équilibre que ces organisations avaient réussi à trouver. Dans le cas de l’Internationale des jeunesses cependant, on verra que ces divisions sont à l’origine de son effondrement.

La question antimilitariste y occupe une place prépondérante pour des raisons évidentes d’intérêt plus grand qu’ont les jeunes, principaux intéressés, à leur enrégimente-ment. Elle est de ce fait la pierre de touche des rapports qu’ils entretiennent avec leurs partis respectifs et se situe à l’origine de leur capacité à la dissidence. Aussi, et malgré les efforts déployés par le secrétaire international, Robert Danneberg, pour tenter de maintenir une certaine cohésion de l’Internationale, la crise finit-elle par éclater au congrès de Bâle. Non seulement les différences entre les fédérations y apparaissent-elles plus marquées, mais les orientations politiques y deviennent nettement antinomiques.

Il devient clair à ce congrès que les grandes organisations de jeunesse, allemande et autrichienne essentiellement, désirent ardemment réussir leur intégration à leur pays comme socialistes et comme jeunes. Or, souscrire à toute activité antimilitariste reviendrait à se couper de cette possibilité en s’aliénant les directions de leurs puissants protecteurs, en l’occurrence les SPD et SPÖ, qui voient d’un mauvais œil l’émergence de ces jeunes radicaux, incontrôlables. En outre, une alliance des jeunesses antimilitaristes est difficile à réaliser à l’intérieur de l’Empire des Habsbourg, compte tenu de ta position hégémonique des germanophones sur les petites nationalités ; par exemple la cohabitation des jeunesses socialistes autrichienne et tchèque au sein de la "petite Internationale" s’avère difficile à gérer. Toute atteinte à la sécurité nationale devient passible de prison et suscite immédiatement la répression policière la plus féroce. En somme, la conclusion d’un pacte entre toutes les jeunesses de l’Empire ne pouvait se faire que sur le plus petit commun dénominateur, celui de la défense de leur condition. Les activités culturelles et à la rigueur syndicales deviennent les seules bases autorisant le regroupement des jeunesses dans l’Internationale. De l’antimilitarisme, il ne doit plus être question.

Au congrès de Bâle, et jusqu’à la déclaration de guerre, cette position fut celle des grandes organisations de jeunesse. Répétant de façon mécanique les grands principes de l’antimilitarisme socialiste, elles se mettent ainsi à l’abri de tout engagement. Alors même que les organisations de jeunesse des Balkans, en guerre, cherchaient à obtenir le soutien de l’Internationale à leur lutte antimilitariste, on la leur refuse comme on interdit l’accès au congrès à leurs représentants. Certes, de nombreuses organisations comme celles des Hongrois et surtout des Tchèques, tentent de protester et de se désolidariser de cette orientation. Les Tchèques refusent de participer à Bâle, mais n’obtiennent qu’un écho limité. De tait, les grandes organisations ont réussi leur entreprise : l’Internationale des jeunesses n’est plus qu’une courroie de transmission des directives du SPD aux jeunesses de tous les pays ; ceux qui s’y refusent se mettent dans l’opposition et une certaine marginalité.

Le deuxième courant, bien moins homogène que le premier, est aussi moins fort. Constitués au gré des batailles qu’ils mènent de façon dispersée au sein de l’Internationale, ces groupes atteignent à un certain renom à l’occasion des débats sur l’antimilitarisme. Italiens, Français et Suisses (la section de Zurich, sur tout, dirigée par Willi Münzenberg) se retrouvent aux avant-postes de la revendication d’une Internationale antimilitariste. Imaginant cette organisation comme un véritable lieu de solidarité entre les différents groupes, et comme un outil de propagande privilégié contre la guerre meurtrière, ils sont mis en minorité et se voient contraints de poursuivre leur action ailleurs. Traçant la voie à Zimmerwald, ils annoncent les résistances pacifistes au cœur de la grande guerre.

La nature de leur antimilitarisme demeurera floue et difficile à catégoriser ; car, au contraire des organisations majoritaires, ils ne sont que rarement liés aux grands partis socialistes dans leurs pays. Dissidents là, ils le sont à tous les niveaux. Ne briguant aucun poste, ils ne recherchent pas l’intégration mais la reconnaissance de leur combat spécifique. Ceux qui illustrent le plus éloquemment ce type de combat sont les jeunesses radicales françaises. Ayant eu à se séparer des jeunesses socialistes, elles ont, derrière la bannière du syndicalisme, tenté d’élaborer une politique de la jeunesse, dont l’antimilitarisme est le cri de ralliement. Essayons de comprendre dans quel contexte elle éclot.

II. L’antimilitarisme des jeunesses en Franc

A. Une conjoncture "favorable"

Les tensions internationales depuis l’accord d’Agadir entre la France et l’Allemagne ne font que s’accroître. Les risques de guerre sont constamment évoqués. Alors que la République, par sa rhétorique égalitaire, maintient intactes la puissance et l’autonomie du corps militaire, les forces politiques s’affrontent à l’Assemblée. Même si le consensus est obtenu sur la question de la défense nationale, l’idée de la nation française, reprise par la République sous la forme de l’héritage révolutionnaire, alimente les polémiques les plus intenses. Dans le sillage républicain, la gauche se divise sur les façons d’entrevoir la nation ; tandis que la droite s’affirme être le défenseur privilégié de tout ce qui constitue l’idéal national, y inclus la guerre pour défendre le territoire. Faisant grief à la gauche de vouloir vendre la patrie aux étrangers, la droite combat toutes les formes de critique de l’armée. La rupture latente est consommée quand les accusations de trahison à l’égard de certains syndicalistes révolutionnaires sont étendues à toute la classe ouvrière. Trouvant que la lutte des classes est incompatible avec la défense nationale, la droite nationaliste cherchera à jeter un total discrédit sur la classe ouvrière et ses organisations. L’accusation d’antimilitarisme devient en 1910 synonyme de haute trahison3. Sciemment elle développera le thème du dilemme tragique du prolétaire qui ne peut être fidèle à sa classe et à sa patrie en même temps. Pris dans des stratégies contradictoires, le mouvement ouvrier n’oppose qu’une résistance minime à cette rhétorique. Loin d’avoir une position homogène dans la configuration des forces nationales, le mouvement ouvrier développe des embryons d’idées et une politique timorée sur ces questions. Hostile à la nation, il ne l’est pas à la République ; partisan de la défense nationale, il se dit opposé à la guerre.

Un tel programme comporte des contradictions et des problèmes. Une des forces du nationalisme renaissant des années 1910 fut de développer ces contradictions au point d’immobiliser de façon durable son adversaire. Ainsi traditionnellement hostile à la lutte de classe, le nationalisme y oppose l’esprit de corps ou, pour reprendre la terminologie libérale moderne, l’individualisme. Les tenants du nationalisme, que Sternhell4 dénomme avec raison révolutionnaire, ne se contentent pas de condamner la lutte de classe ; ils veulent la mettre hors la loi. En assimilant antimilitarisme à mouvement ouvrier, ils parviendront dans une certaine mesure à leurs fins. Cette stratégie est particulièrement claire au niveau de la jeunesse. D’abord timidement entreprise, la campagne nationaliste aboutit à faire de l’antimilitarisme des jeunesses le fait du mouvement ouvrier. Parallèlement le nationalisme nouvelle manière cherche à désamorcer la révolte de la jeunesse contre l’armée pour la tourner à son avantage. Ce faisant, il ravive la segmentation de la jeunesse en groupes distincts. Ainsi le nationalisme cherche à récupérer les jeunes parce qu’ils sont les plus susceptibles d’articuler une résistance effective à l’armée et accuse les autres, antimilitaristes professionnels, de haute trahison.

La période de l’immédiat avant guerre est marquée par une escalade de l’antimilitarisme qui culmine avec les manifestations et les mutineries de mai et juin 1913. La radicalisation des positions du mouvement ouvrier se traduit par une agitation constante contre la guerre et par un éventail de plus en plus large de mesures recommandées pour faire échec à la guerre. Les études sur cette période controversée montrent la détermination du mouvement ouvrier à lutter contre la guerre mais aussi son incertitude profonde quant aux moyens d’exercer son influence. L’antimilitarisme et l’anti-patriotisme ouvriers, les prétentions internationalistes et pacifistes se confondent souvent, évoquant nuances et débats mais aussi la difficulté d’adopter une stratégie commune face à la guerre. Ces tendances souvent ambiguës coexistent au sein des organisations ouvrières et plus largement, dans le mouvement anti-guerre qui se greffe sur elles.

S’il est superflu de porter un jugement d’ensemble sur l’attitude de la classe ouvrière devant la guerre, il est par contre utile d’identifier certains des éléments qui ont conduit en fin de compte à l’échec de sa protestation. Scruter les rouages mis en place par le mouvement ouvrier pour s’opposer à la guerre est édifiant. Les dirigeants, et plus généralement les sections syndicales et socialistes n’ont, entre autres, jamais perçu l’importance de l’action effective des jeunesses contre l’armée. Plus aveugles encore qu’indifférents, ils ont même privé les jeunesses des appuis qu’elles s’étaient donnés pour résister à l’emprise de l’armée.

Plus directement touchée que toutes les autres catégories sociales parce que certaine d’être enrôlée avant tout le monde, la jeunesse a découvert les vicissitudes d’une propagande uniquement antimilitariste. Pourtant, pour cette fraction qui choisit de contester la guerre, il n’y a d’autre alternative que celle de diffuser le plus largement possible ses positions pour espérer avoir un poids dans la vie politique. Vitaliste et guerrière la jeunesse des Ecoles, par son affirmation nationaliste, constitue le danger le plus pressant à combattre. Pressentant que la division de la jeunesse mène à terme à un affaiblissement du courant antimilitariste, les jeunesses antimilitaristes déploient un ultime effort pour se regrouper. Sous l’impulsion des jeunesses syndicalistes, elles multiplient leurs interventions contre le péril de la guerre et contre ceux qui l’incarnent dans les rangs de la jeunesse. Elles perçoivent que leur sort est lié à celui du prolétariat, qu’elles tentent alors de mobiliser plus énergiquement. Coincées dans les méandres de la politique socialiste et de la répression policière menaçante, les jeunesses improvisent néanmoins, dans un sursaut désespéré, des manœuvres pour retarder sinon échapper à la guerre.

Durant ces deux années d’avant guerre, les positions du mouvement ouvrier oscillent entre le support inconditionnel à la République et l’allégeance internationaliste.

Confronté à la mobilisation qu’annonce la prolongation du service militaire à trois ans, par la loi Berry-Millerand en mars 1912, le mouvement ouvrier s’engage dans une campagne contre la guerre où toutes les positions coexistent : elles vont de la résistance passive à la manifestation radicale contre la guerre et la mobilisation. Les contacts internationaux se multiplient, qui évaluent l’éventualité d’une grève générale révolutionnaire, sabotant la mobilisation. Pour montrer sa détermination à refuser la guerre, le mouvement ouvrier descend dans la rue en masse dans des manifestations grandioses. 77 484 personnes assistent à plus de cinquante meetings dans la seule période de septembre 1911 à mars 1912, période de discussion de la loi Millerand5. La présence des femmes et des jeunes y est très nombreuse et remarquable. Venant surtout des régions parisienne et lyonnaise, les militants du bâtiment (terrassiers), des métaux et de l’alimentation sont majoritaires. Des motions d’hostilité à la loi sont votées ainsi que celles défendant le Sou du Soldat et adressant des conseils aux conscrits. Cette première période est celle où les jeunesses syndicalistes triomphent auprès de militants et d’organisations prêts à tout pour élargir le mouvement. Sur les cinquante meetings, onze sont convoqués pour le départ de la classe, et douze pour la libération de Rousset, campagnes dont les jeunesses syndicalistes sont les initiatrices.

La forte implication des jeunesses dans le mouvement anti-guerre est patente. La police sévit durement, et de nombreux jeunes sont arrêtés. Les militants susceptibles d’appartenir aux jeunes gardes et aux jeunesses syndicalistes, co-signataires avec la CGT de l’appel au meeting pour le départ de la classe à l’Aéropark, sont particulièrement recherchés6. Les lieux de réunions habituels des jeunesses sont perquisitionnés et une suspicion tenace entoure les militants des jeunesses, quand ils ne sont pas tout simplement arrêtés.

La répression a pour effet de redonner force et courage aux groupes. Elle leur procure une certaine stimulation qui n’est pas totalement étrangère à la résurgence d’un radicalisme verbal et militant.
Pour la manifestation socialiste contre la guerre au Pré Saint-Gervais, elles se retrouvent par affinité : les jeunes gardes et les jeunesses socialistes à la Bellevilloise, les jeunesses socialistes révolutionnaires de la Seine et la fédération sportive athlétique au métro Allemagne, les jeunesses du 18" au 42, rue Dou-deauville, les étudiants socialistes révolutionnaires à la Sorbonne, les jeunesses du 12è, avenue Daumesnil, etc., pour former un défilé com-mun8. L’organisation de la manifestation devient elle-même l’objet d’une planification précise et méthodique ; une commission mixte des jeunesses rassemblant à parité sept membres des jeunesses syndicalistes et sept membres des jeunesses socialistes se réunira plusieurs fois pour coordonner l’action des jeunesses, lors de la plus grande manifestation ouvrière contre la guerre, le 16 mars 1913. Leurs banderoles affichent la protestation de la jeunesse de tous les coins de France. Prenant la place d’un syndicalisme révolutionnaire, déclinant, les jeunesses syndicalistes trouvent un appui chez les commis, apprentis et employés des métiers surtout dans les centres urbains.

A la faveur de ce mouvement, les jeunesses syndicalistes impulsent à leur manière la campagne contre les trois ans. Elles fondent le Cri des jeunesses Syndicalistes qui se chargera d’organiser l’action des groupes, des retraites rouges aux mutineries de 1913, menant les jeunesses syndicalistes d’une lutte radicale "contre les trois ans" à leur ultime combat contre la mobilisation générale.


B. Les jeunesses syndicalistes, avant-garde de la jeunesse ouvrière

La parution régulière des quinze numéros du bulletin mensuel des jeunesses syndicalistes de France nous informe de mars 1913 à juin 1914 de l’état des forces des groupes. D’abord centré sur l’antimilitarisme comme politique de la jeunesse, le Cri se veut ainsi un outil d’éducation et un moyen d’action de la jeunesse antimilitariste. Mais avant tout, sa raison d’être est d’unifier la lutte des jeunesses, qui dans le Centre, le Sud, l’Ouest "vivent et s’agitent" mais n’ont pas de véritables liens. Le Cri "fera entendre dans les quatre coins de notre pays, notre voix. Il apportera et dira ce que nous voulons et ce que nous faisons9". Effectivement près d’une centaine de groupes adressent au Cri leurs communications, des articles, des convocations relatant leur point de vue et leurs activités. Ils tiendront au cours de cette période pas moins de trois congrès régionaux, deux dans l’Ouest et un dans le Centre, qui culminent avec la tenue d’assises nationales et de deux congrès nationaux10.

Affirmant d’abord l’idée "d’un syndicalisme se suffisant à lui-même dans sa plus large expression", les motions adoptées par les jeunesses syndicalistes distinguent toujours leur action de celle des adultes. Les deux fléaux qui requièrent l’attention particulière des jeunesses syndicalistes sont l’alcoolisme et le militarisme ; par l’éducation et l’instruction, elles se doivent d’y remédier. Avec ses quelques 60 groupes représentant 1 500 membres seulement dans la Seine, le mouvement des jeunesses syndicalistes se trouve confronté à des orientations divergentes.

Très implantées dans trois ou quatre secteurs au départ, les jeunesses syndicalistes existent non seulement dans les corps de métier (ameublement, habillement, voiture...) mais aussi comme groupes de quartiers11. Voulant se placer au-dessus des intérêts corporatistes étroits qu’elles dénoncent dans la CGT, les jeunesses syndicalistes ne se considèrent donc pas comme un groupe de défense des intérêts matériels des jeunes, qu’ils soient apprentis ou ouvriers. Elles luttent pour l’émancipation de la classe ouvrière et c’est pourquoi elles font d’abord et avant tout de l’antimilitarisme. C’est la contribution particulière de la jeunesse ouvrière à l’œuvre d’affranchissement du prolétariat.

L’antimilitarisme a le double avantage de permettre aux jeunes ouvriers de résister à l’armée en même temps qu’ils luttent pour la libération de l’espèce humaine. L’antimilitarisme des jeunesses syndicalistes ne souffrira pas de demi-mesures. Il sera total et radical. Critiquant la loi des trois ans pour tout ce qu’elle a d’inique et cruel, les jeunesses syndicalistes rétorquent aux Berry et Millerand que "les jeunes ne les feront pas". Elles se chargent de créer une ambiance de protestation contre cette barbarie "en obtenant le soutien des mères, compagnes, amantes" à qui on veut voler une partie d’elles-mêmes12. Mais plus que la critique de l’armée, les moyens préconisés pour y résister soulèvent les passions et les polémiques.

L’insoumission est l’objet de grands débats qui opposent le Comité d’entente de la Seine, qui s’est prononcé en sa faveur, et la Fédération de l’Ouest qui laisse le libre choix à ses militants. Le débat ainsi ouvert13 conduit à des réévaluations et des précisions. Des membres des jeunesses de la Seine (celle des employés en particulier) contestent avoir jamais pris de position officielle en faveur de l’insoumission et expriment leur désaccord avec les déclarations du Comité d’entente. Responsables, elles prétendent, certes, devoir intensifier la propagande antimilitariste qui, selon elles, touche déjà quelque 20 000 jeunes, mais laisser aux individus le choix de leur décision. Il leur semble inefficace pour une organisation de jeunesse de préconiser ce moyen de lutte. Ce sur quoi les jeunesses syndicalistes de la Seine rétorquent qu’elles ne veulent pas faire une théorie de l’insoumission mais qu’elles considèrent cet acte comme un moyen individuel de résistance à l’armée. La motion encourageant les jeunes à l’insoumission, votée par le congrès de la Seine, a provoqué des remous. Les jeunesses socialistes de la Seine se rétractent : l’insoumission est une affaire de choix individuel. Manoeuvre, tactique ou stratégie, cette dernière position devient la version officielle, unifiant jeunesses, syndicats et partis sur la question : les jeunesses, même les plus radicales, doivent se plier à la consigne. L’insoumission est une mise au ban de la société ; en s’excluant du groupe formé par la nation, le jeune ne peut pas s’attendre à la sympathie et moins encore à la solidarité ouvrière. L’antimilitarisme ouvrier ne va pas jusqu’à l’insoumission14.

Alors que la statistique indique une progression nette de l’insoumission dans toute la France15, aucun appui officiel du mouvement ouvrier ne soutient ces initiatives. Seuls quelques groupes isolés des jeunesses syndicalistes offrent leur support moral et matériel aux insoumis dans les régions où elles sont implantées, le Midi méditerranéen et l’Ouest essentiellement. L’insoumission ne peut être l’œuvre des seules jeunesses ; elles en sont le relai. Mais bien d’autres facteurs sont à considérer. Toutefois, malgré les oppositions répétées des organisations ouvrières et des jeunesses socialistes à l’égard de l’insoumission, les jeunesses les plus radicales continuent de l’envisager comme un recours contre l’armée. Elles tenteront par tous les moyens d’amener les récalcitrants à affirmer leur solidarité avec ceux qui partent.

Ressentant particulièrement les effets dévastateurs de la loi de trois ans16, les jeunesses syndicales tenteront de mettre en œuvre cette solidarité : d’abord en protégeant leur organisation, menacée par la répression et par l’extension de la place prise par la caserne dans la vie des jeunes, ensuite en déployant leur activité à l’occasion de tout mouvement de contestation de l’armée.

C. Les mutineries de 1913

C’est pourquoi, elles furent les premières à être suspectées d’avoir provoqué ou agi dans les mutineries de mai-juin 1913. Selon les documents saisis au cours des perquisitions et arrestations effectuées par la police judiciaire, les mutineries qui éclatent dans de nombreux régiments en France sont le fait d’antimilitaristes professionnels. Des anarchistes auraient conspiré pour soulever l’armée contre ses chefs, pour amener la troupe à la subversion. Nuis autres que les soldats eux-mêmes dirigent cette rébellion. Manipulés par les jeunesses syndicalistes qui, à travers le comité mixte des jeunesses de la Seine, conduisent une propagande efficace auprès des soldats, ces derniers auraient décidé de se soulever. Selon les inspecteurs, la date des premières mutineries coïncide avec les appels répétés à la résistance contre les trois ans et contre l’armée ; les numéros 2, 2 et 3 du Cri sont apportés comme preuves de l’implication des jeunesses dans les mutineries17. Cherchant à faire porter la responsabilité civile de remous qui échappent à son contrôle, la police criminelle accuse les jeunesses syndicalistes ; à partir d’informations éparses, d’insoumissions, de manifestations, ou encore de délits de droit commun, elle réussit à monter un dossier contre le mouvement dans son ensemble18. Il semble bien que les suspicions policières aient ici quelque fondement.

Les mutineries éclatent à la suite d’épidémies de typhoïde et de tuberculose dans plusieurs régions et touchent de nombreux régiments19. La géographie ainsi que les métiers exercés par les mutins attestent d’une liaison entre les jeunesses syndicalistes et les soldats stationnés à Montceau-les-Mines, Paris et Rodez20. Partout, le pourcentage des mutins syndiqués est remarquable ; il atteste de la liaison des soldats avec les Bourses du travail et les jeunesses dans toutes les casernes touchées par les mutineries. Les délits rapportés varient. Mineurs — chants de l’Internationale, participation des soldats enrégimentés et en tenue militaire aux meetings et manifestations antimilitaristes, vente de la Bataille Syndicaliste et de l’Humanité dans les casernes — ils conduisent à des arrestations ou à de légers emprisonnement de quinze jours à un mois. Pour les délits plus importants, c’est le conseil de guerre ; ainsi les signataires d’affiches et de pétitions contre les trois ans, les inculpés pour outrages aux sous-officiers ou pour appel à la désertion sont tous passibles de peines plus lourdes, dont l’envoi aux bataillons disciplinaires.

Les pouvoirs publics, civils et militaires, sont prompts à réprimer avec une sévérité particulière (de nombreuses peines prononcées par les tribunaux civils sont doublées par le haut commandement) les exactions des antimilitaristes. Cherchant à rejeter la responsabilité de ce qu’elles appellent sciemment "des mutineries" sur "les agitateurs" de la CGT et du mouvement ouvrier, elles ne trouvent que !es jeunesses syndicalistes comme interlocuteurs. Ces dernières multiplient leurs interventions auprès des soldats, accélérant la maturation du mouvement de protestation. Obligés de faire un an de plus à l’armée par la loi, les jeunes, incertains de leur situation, sont sensibles à la propagande des groupes. L’adoption à la hâte de la loi Berry-Millerand laisse de nombreuses questions dans l’ombre ; le maintien des classes de 1911-1912 sous les drapeaux n’est pas parfaitement clair. En avançant l’âge du recrutement à vingt ans et en maintenant trois classes sous les drapeaux, la loi touche une portion numériquement plus importante de la jeunesse française. En conséquence, un plus grand nombre de militants des jeunesses syndicalistes se retrouvent sous les drapeaux, prêts à agir.

Les mutineries de 1913, montées en épingle pour justifier la répression qu’elles déclenchent, sont en fait l’expression solitaire de la révolte de la jeunesse ouvrière. Avec des moyens sommaires, elle se cantonne au seul mode d’expression qui lui est laissé : la révolte ponctuelle et sans lendemain. Rien, pas même la presse ouvrière21, ne relaie l’action des jeunesses dans les casernes. Les jeunesses antimilitaristes se trouvent seules à affronter les pouvoirs publics. Elles sortiront de cette confrontation avec de lourdes peines — nombre d’entre elles se retrouvent en prison — et la conviction qu’il leur faut des alliés pour avoir une chance de ne pas se faire complètement étouffer22. Elles réussissent à entraîner d’autres groupes dans leur sillage, en particulier les jeunesses laïques23, qui s’opposent avec elles à l’armée et au militarisme. "Les retraites rouges" deviendront de véritables rituels de protestation de la jeunesse contre l’armée. Pour montrer leur hostilité aux retraites militaires, défilés patriotiques qui n’avouent pas leur nom, une union de toutes les jeunesses syndicalistes, socialistes, anarchistes et révolutionnaires organise des contre-détirés conspuant les militaristes et la "camelote royale". Tous les samedis, des militants des jeunesses sont arrêtés au cours des rixes qui les opposent aux "réactionnaires"24.

La répression continue, mais surtout le déferlement nationaliste exacerbe la combativité des jeunes qui, par milliers, s’opposent à la mobilisation. En outre, quotidiennement, les jeunesses se retrouvent dans tous les meetings, grands et petits, organisés par la CGT et le parti socialiste, contre la guerre25. Les résolutions et déclarations fracassantes de Jaurès, Vaillant, Jouhaux appelant à la grève générale du prolétariat contre la guerre se multiplient jusqu’à la toute veille du conflit. L’Internationale socialiste ne peut tenir son dernier congrès en août 1914 alors que toute possibilité d’orchestrer la réponse du prolétariat international est déjà largement compromise. Malgré tout, les manifestations et meetings monstres contre la guerre drainent des centaines de milliers de personnes presque tous les soirs de juillet. L’assassinat de Jean Jaurès, leader incontesté de l’opposition à la guerre, clôt ce mouvement.

Comme le montre bien J.-J. Becker dans son étude, l’opinion publique française durant les trois mois qui précèdent le déclenchement du conflit, est déjà largement acquise à la nécessité d’une guerre patriotique, tandis que le mouvement ouvrier défend l’impérieux besoin de protéger les acquis de la révolution française contre la barbarie allemande. La jeunesse française a globalement suivi les ordres. A l’exception des 11 658 individus qui ne rejoignent pas leur régiment et qui sont déclarés insoumis en 1914 — soit 3,89 du contingent, environ deux fois plus que les deux années précédentes, la mobilisation s’effectue dans le calme.

Seules, les jeunesses syndicalistes appellent encore à défiler sur les grands boulevards les 1er et 2 août 1914 alors que l’ordre de mobilisation est déjà donné. Refusant d’être la chair à canon de cette guerre "impérialiste", injuste, ils sont plusieurs centaines à crier leur refus de la "boucherie sanglante" : "Non, on ne veut pas la faire"27.

Alors que la classe ouvrière rend un dernier hommage à Jaurès, devant le siège du quotidien L’Humanité qu’il dirigeait, les militants des jeunesses qui manifestent par ailleurs, se trouvent seuls à affronter les forces de police.

Jusqu’à la dernière limite, ils braveront l’ordre de mobilisation, croyant par l’exemple, entraîner derrière eux le mouvement antimilitariste de la jeunesse. Symboles d’une lutte qu’ils ont voulue radicale, ils sont allés jusqu’au bout de leur utopie.

Les jeunesses syndicalistes ont mis tous leurs espoirs dans la lutte antimilitariste. Une fois la guerre déclarée, leur opposition est ensevelie sous ses effets dévastateurs.

Faisant difficilement la jonction avec ce mouvement, quelques-uns des militants se retrouvent, dans le groupe de la Vie Ouvrière, qui tente vaillamment de l’exil suisse ou de Paris de maintenir une flamme pacifiste. Mais c’est l’Internationale socialiste des jeunes — avec celle des femmes — qui tient la première conférence pacifiste au début des hostilités à Berne. Son secrétaire Willi Münzenberg rapporte les difficultés qu’il a rencontré auprès des JS de France. Ne pouvant communiquer qu’avec la fédération des jeunesses affiliée au parti socialiste, il leur adresse une invitation à la conférence de Berne, dès janvier 1915. Le Comité national des JS répond, dans une lettre datée du 15 février, qu’en vertu des liens qui unissent les JS au parti, il ne peut sans son accord participer à une conférence qui n’a pas été dûment convoquée par les instances de l’Internationale. C’est un groupe d’étudiants socialistes révolutionnaires de Paris qui, apprenant la survie de l’Internationale des Jeunesses peu après le congrès de Berne, se chargera de mener la campagne contre la barbarie guerrière. Hélène Brion et quelques syndicalistes révolutionnaires auront à cœur de redonner à la jeunesse socialiste française la force de s’élever contre les directives du parti et de se joindre à partir de 1916 à la campagne de l’Internationale pour la paix.

Ainsi se termine une période où, ayant mis toutes leurs énergies et leurs espoirs dans l’antimilitarisme, les jeunesses découvrent avec effroi leur impuissance. Mais en ce temps exceptionnel qu’est la guerre, l’échec des jeunesses se mesure à celui subi et forgé par l’ensemble de la société. Leur combat minoritaire est certes habillé d’une cause émancipatrice mais c’est avant tout un antimilitarisme de survie que les jeunesses syndicalistes ont tenté d’affirmer.

Voulant prendre leur sort en main, les jeunesses syndicalistes se voient contraintes d’exercer le seul pouvoir qu’elles détiennent sur leurs propres vies, pour l’opposer aux gouvernants.

A l’instar des révoltes d’ancien régime, caractéristiques du recours des plus démunis aux moyens les plus extrêmes de pression, l’antimilitarisme des jeunesses syndicales est voué à l’échec. Cas typique d’une action politiquement marginale, bien que socialement fondée, ce mouvement de révolte reste néanmoins exemplaire de l’affirmation d’autonomie des jeunesses.

Ayant pressenti bien avant tout le monde le caractère implacable du service militaire obligatoire, les groupes de jeunesse entrevoient clairement leurs rôles : ils devront s’affirmer comme individus, libres de se plier à la loi ou de la contester. L’antimilitarisme sera leur première manifestation de citoyens. Ils en font un programme d’action et de ralliement de la jeunesse, qui indique par là sa capacité d’intervenir dans la décision politique. Cependant leur pression, qui établit effectivement un contre pouvoir durant la première décennie du siècle, devient totalement caduque quand aucun pouvoir politique ne la relaie. Le mouvement ouvrier, ayant refusé de la prendre en charge, se contentera d’en accepter la nécessité.

Yolande COHEN

Université du Québec (Montréal)

Notes

1. Le texte est une version remaniée de la communication présentée à la table ronde "L’Internationale et la guerre : le partage d’août 1914., qui s’est tenue à Paris en décembre 1987. Il reprend une partie des questions abordées dans mon ouvrage, Les Jeunes, le Socialisme et la Guerre, Paris, L’Harmattan, 1989.
2. Voir l’ouvrage de
P. Dogliani, "La Scuola delle Raclure". L’lnternazionale giovanile Socialiste, Turin, Eimandi, 1983.
3. Dans ce contexte, l’antimilitarisme ou même simplement l’internationalisme équivaut à une trahison. J.-J. Becker, Le carnet B : Les pouvoirs publics et l’antimilitarisme avant la guerre de 1914, Paris, éd. Klincksiek, 1973, a montré combien la peur était peu fondée, l’antimilitarisme ouvrier s’arrêtant aux résolutions de congrès.
4. Zeev Sternhell, La droite révolutionnaire en France, Paris, Le Seuil, 1978.
5. Dominique Bertinotti établit ce chiffre à partir de révolution de l’antimilitarisme à travers la Bataille Syndicaliste. Il dresse le tableau des manifestations antimilitaristes. L’antimilitarisme à travers la Bataille Syndicaliste, thèse, Paris I, 1975.
6. L’Humanité du 25 septembre 1911.
7. Les cas des jeunesses syndicalistes arrêtées et emprisonnées sont nombreux. Les motifs varient : ils tournent autour des thèmes "incitation à la désobéissance", "provocation au meurtre, au pillage, à l’incendie en temps de mobilisation".
8. Cette décision est prise le 12 mars 1913 à l’occasion d’une réunion du Comité d’études des jeunesses socialistes au 33, rue de la Grange aux Belles, Rapport de police, du même jour, Ba 1643.
9. "Notre cri : Pourquoi les JS ont voulu leur bulletin", Le Cri n° 1, mars 1912, p. 1. Il paraîtra de façon régulière tous les mois jusqu’à la toute veille de la guerre ; le dernier numéro est daté de juin 1914 n° 15).
10. Congrès régionaux des jeunesses socialistes. Assises nationales à Nantes, le 15 août 1913 et à Vierzon, le 7 septembre 1913. Le Cri n° 8, octobre 1913, p. 4.
11. Dans presque tous les arrondissements de Paris, une partie de la banlieue et dans les grands centres urbains du Midi et du Centre de la France.
12. Le Cri est plein de ces articles émouvants, lettres de soldats et statistiques sur le sort réservé aux soldats à la caserne. Le Cri n° 7, septembre 1913, 8 octobre 1913 et 9 novembre 1913.
13. Le Cri nos 10, décembre 1913-janvier 1914, 11, février 1914, 12, mars 1914.
14. Sous le titre "Les jeunes et l’insoumission", un article est consacré à cette résolution prise par le congrès des JS. Déplorant une décision qu’elle juge antisyndicale, la Bataille Syndicaliste se retrouve dans le même camp que la Guerre Sociale qui déclare que l’Insoumission est aussi antisocialiste et antianarchiste. Cf. La Guerre Sociale du 13 au 19 août 1913.
15. Cf. Yolande Cohen, op. cit.
16. La jeunesse de Tours témoigne de ces ravages : en incorporant tes jeunes à 20 ans, le service militaire décime les groupes de ses membres les plus actifs. Le Cri n° 11, février 1914.
17. Le Conscrit qui parait en mai 1913 n’est pas mis en cause puisqu’il appelle seulement à l’infiltration socialiste de l’armée. AN Série BB 18 2508 (128 A13) 1 à 51, BB 18 2509 (128 A13) 52 à 136, BB 18 2510
(128 A13) 137 à 165.
18. C’est au Ministère de la Guerre que les volumineux dossiers des soldats mutins déferrés devant les conseils de guerre sont ensevelis, maintenant l’anonymat sur l’ensemble de ce mouvement. Ces archives dont l’accès est protégé par la loi de Cent Ans n’ont pu nous être ouvertes. Il est alors difficile de mesurer l’exacte ampleur de ces mutineries et leur objet.
19. "Contre la loi de 3 ans. Les casernes foyers de typhoïde et de tuberculose". La Bataille Syndicaliste du 24 mai 1913.
20. La liste des noms des mutins de mai-juin 1913 est versée aux dossiers des AN F7 13342, F7 13346.
21. La Guerre Sociale du 4 au 10 février 1913 et celle du 11 au 18 février 1913 publie une polémique opposant Léon Goldshild (militant du parti socialiste) à Maurice Lyon (de la jeunesse socialiste de la Seine) accusant les jeunesses de ne pas savoir quelle propagande développer contre l’armée.
22. La campagne des jeunesses syndicalistes se déplace alors des casernes à l’Université, où aux côtés des étudiants socialistes révolutionnaires, la jeunesse de gauche s’affronte aux bandes nationalistes du Quartier Latin. La Guerre Sociale du 8 au 14 juin 1913.
23. Elles rejoignent le mouvement de contestation de la jeunesse contre les trois ans. A l’instar des résolutions antimilitaristes prises par les congrès des autres jeunesses, le congrès des jeunesses laïques se prononce contre l’armée. "Le congrès des jeunesses laïques., Guerre Sociale du 1er au 7 octobre 1913.
24. Alors que ces retraites sont instituées dès février 1912 pour appuyer la loi de 3 ans, ce n’est qu’à partir de mai 1913 que "les contre manifestations sont organisées par les jeunesses révolutionnaires". Animées par des jeunes âgés entre 19 et 26 ans, d’abord aux cris de "A bas l’armée !" elles prennent une ampleur certaine durant l’été et l’automne 1913. Rapport de Police de décembre 1913, AN F7 13347 et Bataille Syndicaliste de juillet-août, septembre 1913.
25. Certains groupes s’associent môme aux compagnons anarchistes pour publier un petit livre rouge fournissant les méthodes les plus simples et les plus abordables de sabotage de la mobilisation. Bataille Syndicaliste des 27, 28, 29, 30 et 31 juillet 1914.
26. Ce taux plus élevé d’insoumission rappelle celui atteint en 1908 et 1910, il est difficile d’attribuer cette augmentation au seul déclenchement de la guerre.
27. Bataille Syndicaliste des 27, 28, 29, 30 et 31 juillet 1914.