Objection de conscience et désobéissance civile en Allemagne
Wolfgang Hertle
Article mis en ligne le 15 août 2023

Le régime national-socialiste prétendait que la défaite militaire de l’Allemagne pendant la Première Guerre mondiale était à mettre au compte des pacifistes, qui affaiblirent les forces de défense, et de la gauche révolutionnaire et « défaitiste » de 1918, « commandée de l’extérieur ». Pour rendre leur revanche sur la « honte du diktat de Versailles », les nationaux-socialistes voulurent armer et militariser la société allemande.

En réaction directe à la Première Guerre mondiale, le mouvement pour la paix allemand, lui, avait nettement gagné en popularité : une autre guerre devait être évitée à tout prix. Ce courant d’idées philosophiques diverses est cependant resté minoritaire dans la société allemande. Au bout de dix ans à peine, la principale organisation, la Deutsches Friedenskartell, était dissoute en raison de tensions internes entre pacifistes modérés et radicaux. De plus, les poursuites judiciaires des personnalités du mouvement pacifiste par la dictature national-socialiste accentuèrent ce processus d’isolement. Le mouvement a eu de moins en moins de d’impact [1].

La revendication de l’objection de conscience était, à cette époque, dans le mouvement pour la paix, une position radicale soutenue par une minorité, représentée avant tout par une petite centaine de militants et environ 3 000 membres du Bund der Kriegsdienstgegner. Entre 1919 et 1935, il n’y avait pas de service militaire obligatoire en Allemagne, c’est pourquoi la majorité des jeunes hommes ne se sentait pas concernée [2].

En comparaison avec les pays anglo-saxons, où l’influence des Églises historiquement pacifistes était sensible, il n’y eut pas, en Allemagne, lors des deux guerres mondiales, beaucoup de refus de faire son service militaire. Plusieurs centaines d’hommes ont été condamnés pour refus de porter les armes et pratiquement tous furent exécutés. Ils venaient de petites communautés religieuses, c’était avant tout des témoins de Jéhovah. Les autres personnes devenues martyres pour raisons religieuses furent abandonnées par leurs Églises, comme par exemple le prêtre catholique Max Josef Metzger ou bien le protestant Hermann Stöhr [3].

Le nombre de soldats qui désertèrent entre 1939 et 1945, surtout dans les derniers mois de la guerre, était beaucoup plus important, environ 300 000. Sur les 30 000 qui furent condamnés à mort, 16 000 ont été fusillés, pendus ou guillotinés. Concernant les motifs des déserteurs, on estime que 15 % des soldats de la Wehrmacht ont déserté pour des raisons politiques ou religieuses, 60 % à cause de leur refus de la guerre ou bien pour des raisons familiales, le reste par peur d’une condamnation par le tribunal militaire.

En Allemagne, le refus de porter les armes pour raisons de conscience personnelle (objection de conscience) a fait l’objet, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, d’une réglementation assez progressiste. La loi fondamentale, art. 4, § 3, stipule ainsi : « Personne ne peut être amené à porter les armes contre son gré... ». Ce nouveau droit reposait sur la honte d’avoir été à nouveau coresponsable d’une guerre mondiale ayant fait des millions de morts. « Plus jamais de guerre ! » Tel était le credo de la majorité des gens pendant les premières années qui suivirent 1945

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