Résistance non violente sous des régimes communistes. Allemagne de l’Est 1953
Theodor Ebert
Article mis en ligne le 11 août 2023

Theodor Ebert a fait des études de science politique, d’histoire et de littérature allemande aux universités de Tübingen, Munich, Erlangen, Londres et Paris. Docteur en philosophie depuis 1965, pour « Théorie et pratique de la résistance non violente : un modèle de campagne », cette thèse a été publiée en 1968 par Rombach Verlag à Freiberg sous le titre « Gewaltfreier Aufstand : Alternative zum Bürgerkrieg ». Theodor Ebert est assistant de recherche à l’Otto Suhr Institut de l’Université Libre de Berlin

Tirage spécial des Cahiers de la Réconciliation, Juillet-aout 1975, dans la série « Les monographies de la Défense civile ».

Ce texte est la traduction intégrale par Jean Jacqmain du chapitre 8 du livre "The strategy of civilian defence" édité par Adam Roberts 1967 - Londres, Faber and Faber.

Anarchisme et non-violence avait publié de lui "Pour une stratégie de la révolution non violente" en mai 1970

Introduction - Allemagne de l’Est 1953

II est trompeur, a affirmé le théologien luthérien Helmut Thielicke, de supposer que parce que la technique d’action non violente de Gandhi s’est montrée efficace en Inde, elle peut s’appliquer au conflit Est-Ouest. Toute décision de principe, dit Thielicke, doit dépendre de la situation dans laquelle elle est prise. « La situation de Gandhi était essentiellement celle d’un homme confronté à un gouvernement démocratique, respectueux des prescriptions de la loi ».

1- Explosion spontanée le 16 juin 1953

Le soulèvement est-allemand explosa spontanément et surprit les autorités qui n’étaient pas préparées à un tel événement. II se produisit après que les dirigeants du SED (Parti d’unité socialiste) [10] eurent tenté de persuader les ouvriers du bâtiment qui travaillaient dans l’artère édifiée à la gloire du socialisme, la Stalinallee à Berlin, qu’il serait dans leur intérêt d’accepter volontairement un renforcement de la norme de travail, autrement dit (...)

2- Le soulèvement se propage

Le soulèvement se propagea avec une rapidité sans précédent dans les campagnes de résistance. Le 16 juin au matin, 300 travailleurs avaient formé le cortège sur la Stalinallee ; le lendemain, ils étaient au moins 300 000 en grève dans 272 localités de toute l’Allemagne de l’Est, soit 5,5 % des 5 500 000 salariés du pays. II ne faut pas chercher explication de ce phénomène, ainsi que le fit plus tard le SED, dans le fait que le soulèvement aurait été préparé en République (...)


3- Réaction des autorités du parti

Beaucoup d’anti-communistes occidentaux ont fait leur, sans guère la discuter, l’idée que l’Etat communiste possède une machine parfaite de domination et d’oppression. Ils n’y distinguent que deux catégories de citoyens : les fonctionnaires du parti endoctrinés idéologiquement, et la masse des sujets impuissants. Ils considèrent généralement toute résistance comme sans espoir. Carl J. Friedrich et Zbigniew K. Brzezinski ont écrit que « les chances de parvenir (...)


5- Considérations stratégiques et tactiques

Un petit ouvrage consacré à l’analyse du soulèvement et publié par le ministère fédéral des Affaires pan-allemandes adresse aux rebelles la critique de n’avoir pas réussi à occuper les bureaux du télégraphe et les stations de radio, et d’avoir évité le recours à la force. Cependant, l’expérience du soulèvement est-allemand suggère qu’il existe des arguments en faveur de l’utilisation de méthodes non violentes pour la résistance sous des régimes (...)

4- Rôle de la police et de l’armée

Les trois principaux piliers d’un régime totalitaire sont l’appareil du parti, la police et l’armée. Comme les 16 et 17 juin, la direction et les cadres du parti se trouvaient dans l’ensemble paralysés, le rôle des forces armées revêtit une très grande importance. Chacune des deux formations armées se composait de deux éléments : la police : de la Police populaire (VP) et de la Police de sûreté (SSD) ; l’armée : de la Police populaire encasernée (KVP) et des (...)