Accueil > Allemagne > 40 ans de Grasswurzelrevolution (1972- 2012)
40 ans de Grasswurzelrevolution (1972- 2012)
Lou Marin
dimanche 19 novembre 2017, par
Publication de l’anarchisme non-violent en langue allemande Par Lou Marin (membre des collectif s de rédaction 1984- 2001, jusqu’ à aujourd’hui membre du collectif des éditeurs de la revue ; membre du CIRA à Marseille)
En Allemagne, contrairement à ce qui s’est passé en France, le courant anarchiste a traversé une période de rupture longue de 35 ans ( de 1933 à 1968). D’ailleurs , ce courant ne s’est pas encore totalement reconstitué.
Durant les années 1920 la Freie Arbeiter-Union Deutschlands (FAUD ; Union libre des travailleurs d’Allemagne ) était importante avec 160 000 adhérents (et une forte aile explicitement anarchiste-non-violent e) dans sa phase phare de 1918 jusqu’à 1921. Par la suite , le nombre de militants de la FAUD a diminué au point qu’en 1933 on ne comptait plus que 30 000 adhérents . Puis, lorsque les nazis sont arrivés au pouvoir, ils ont carrément détruit le mouvement au moyen de persécutions qui ont entraîné des départs de militants par vagues vers l’Espagne, vers la Suède, vers les États -Unis, vers l e Mexique ainsi que vers d’autres pays.
Après la deuxième guerre mondiale une grande partie des vieux militants ne sont pas revenus en Allemagne. Donc, la refondation de la FAUD ou d’une organisation anarcho-syndicaliste similaire n’a pu se réaliser . Il n’y avait que la Föderation Freiheitlicher Sozialisten (FFS ; Fédération des socialistes libres), un réseau fragile constitué de vieux militants , qui s’est dissoute au début des anné es 1960. (1)
Il a fallu attendre 1968 pour pouvoir observer une renaissance de plusieurs courants anarchistes en Allemagne, dont le courant anarchiste-non-violent qui s’ est regroupé autour de la revue Graswurzelrevolution et qui s’appuyait sur des traditions de lutte et de révolte d’un Mahatma Gandhi, Martin Luther King, Gustav Landauer, Clara Wichmann ou bien Albert Camus. Ce courant est le seul qui encore aujourd’hui of fre une publication mensuelle qui témoigne de sa longévité.
Naissance de la revue Graswurzelrevolution et influences des militants anarchistes et non -violents français en 1972
Le mensuel Graswurzelrevolution – pour une société sans violence ni domination en langue allemande existe depuis plus de 40 ans . Il rend compte des activités des groupes d’action directe non-violente et de leurs sympathisants, et expose leur théorie. Il y avait quelques groupuscules avant 1968 comme celui nommé « Direkte Aktion » (Action directe) avec un bulletin ayant pour sous-titre « Blätter für Anarchismus und Gewaltfreiheit » (Feuilles en faveur de l’ anarchisme et de la non-violence) autour du personnage de Wolfgang Zucht. Mais, c’est au sein du mouvement étudiant en 1968 qu’ont émergé les premiers « Groupes d’action directe non-violente ». La revue est née à l’ instigation de ce mouvement étudiant en même temps que la fondation des groupes armés en Allemagne ( Fraction d’armée rouge ( RAF), Mouvement du 2 juin, Cellules rouges ) et en dépit de cette simultanéité diffuse des idées non-violentes et libertaires. Sa vision politique a été précisée plus tard par un militant d’une manière assez concise : « Que la mouvance pacifiste devienne socialiste-libertaire et que le mouvement socialiste de gauche devienne non-violent dans ses formes de lutte . » (2)
La ligne éditoriale directrice de la revue s’est nourrie, entre autres, de la revue Anarchisme et Non-Violence qui existait en France (3) et des luttes des paysans du Larzac, avec lesquels divers contacts personnels se sont établis, notamment grâce à Wolfgang Hertle ainsi qu’à d’autres personnes .
De sorte qu’il n’est pas franchement surprenant de pouvoir lire dans le numéro 0/1972 de Graswurzelrevolution plusieurs articles qui portent sur des actions en France ou des campagnes que menaient des militants non-violents ou antimilitaristes français aptes à inspirer les militants non-violents allemands. On trouve notamment des articles de soutien des objecteurs de conscience qui, en Espagne , refusaient de servir pour l’armée de Franco.
Ainsi on lit en page 3 du numéro 0/72 :
"Dans toute la France il y avait des manifestations. À Paris, des sympathisants des objecteurs ont occupé le stand de l’Espagne à la foire de Paris. La Police a interpellé 30 personnes qui ont été relâchées après vérification de leur identité. Le train Catalan-Express de Barcelone à Genève a été arrêté à plusieurs reprises sur son trajet le 13 mai [1972], notamment à Tencin (Isère), Laissaud (Savoie) et à Valence où deux jeunes gens se sont enchaînés sur les rails et quatre autres dans un wagon. Les manifestants contestaient l’incarcération de 200 objecteurs espagnols. 10 personnes ont occupé le consulat espagnol à Toulouse. À Genève, des militants de MSCC ( Mouvement pour un service civil communautaire ), un groupe d’objecteurs , ont mené collectivement une grève sur le tas devant le train “Catalan “. » (4)
Un peu plus loin on est informé sur une autre campagne : « Une autre possibilité d’entrer en contact avec des Espagnol s s’est offerte. En effet, des travailleurs espagnols en quête de meilleures rémunérations traversaient les Pyrénées chaque année à l’automne pour faire les vendanges dans le sud de la France. Ils étaient nombreux notamment dans le Rousillon près de Perpignan en septembre et en octobre. Lors de l’automne 1971, le Secrétariat des objecteurs de conscience (SOC) a lancé une campagne pour agiter les ouvriers espagnols pendant les vendanges. Les objecteurs se laissaient embaucher pour faire les vendanges parmi eux, ce qui s’avérait relativement facile compte tenu des besoins de main-d’œuvre. Ainsi ils pouvaient parler avec les travailleurs espagnols du problème des objecteurs de conscience en Espagne directement, sur le terrain . » (5)
Et en une campagne : « La liaison entre antimilitarisme et protection de l’environnement est apparue dans la campagne de nos camarades français : Bugey -Cobayes Ol et Fessenheim (en Alsace), deux centrales nucléaires qui ont à la fois une fonction civile et militaire ( la France s’est appliquée à produire des bombes atomiques ; voire plus bas : Mururoa). Les militants pour la protection de l’environnement se sont opposés à l’ existence de ces centrales à cause du danger de pollution radioactive et du réchauffement des rivières par l’eau de refroidissement qu’elles rejet tent – ce qui est évident et n’est nié par personne. Les objecteurs de conscience combattent pour que cesse l’activité de ces centrales puisqu’on y fabrique des armes nucléaires. L ’hebdo satirique Charlie Hebdo , mieux et plus engagé que Pardon , a mené des actions qui ont poussé ses rédacteurs jusqu’à l’épuisement ( Charlie Hebdo , 35 rue de Montholon, F -75 Paris 9 e ). Un Sit -In pendant un mois entier de plusieurs centaines d’inconditionnels fut renforcé par plusieurs milliers de « révolutionnaires pour la protection de l’environnement » pendant les week ends. On a organisé des fêtes toutes les nuits en disant que “ si la révolution ne procure pas de plaisir pourquoi s’engagerait -on pour elle ? “ À une marche de contestation de Lyon à Cobaye participaient 15 000 personnes. Dans une action spectaculaire, des militants du GARM (Groupe d’action de résistance à la militarisation) de Lyon ont pénétré dans la deuxième centrale nucléaire de Mont -Verdun d’où seraient dirigés les missiles nucléaires s’il y avait une guerre. Dans la centrale intérieure – Top -Secret du commandement –, ces militants ont déroulé un panneau géant et écrit des slogans sur les murs du bunker afin de montrer , entre autres choses , que les “ mesures de sécurité“ sont inefficaces et d’ainsi souligner l’absurdité de ces fabriques de mort. Voilà un moyen de protester contre les armes nucléaires et le trafic d’armes ! » (6)
Et déjà dans ce numéro 0/72 on pouvait lire des information s sur les premiers pas de la résistance antimilitariste au Larzac : « Une alliance entre des paysans et des antimilitaristes pour la défense du plateau du Larzac ( situé dans l e sud de la France) a été conclue. Car il y avait un terrain d’entraînement pour les chars, sur lequel des soldats néerlandais et angla is s’entraînaient dans la perspective d’un engagement militaire en Irlande du Nord. Ce terrain dev ait être étendu aux dépens des fermes avoisinantes encore rentables. Lanza del Vasto, le grand vieil homme du mouvement non-violent français (qui fut l’ami personnel de Gandhi et qui a organisé, entre autres actions, la résistance contre la guerre d’Algérie) est parvenu à convaincre deux évêques de participer à une grève de la faim pendant trois jours. Sa communauté de l’Arche , qui existait depuis la deuxième guerre mondiale a reconstruit avec 70 militants un village de montagne jadis déserté. Village dans lequel aujourd’hui les habitants produisent eux-mêmes l’essentiel de ce qui est nécessaire à leurs besoins. Lanza del Vasto a su mobiliser les paysans du Larzac pour la défense non-violente de leur s terres . La lutte s’est poursuivi e le week-end de Pâques de la même année. Durant ce fameux week-end des dizaines de milliers de personnes de toutes les régions de France sont venues pour une journée “ fermes ouvertes “. Ces visiteurs ont pu constater qu’il ne s’agissait pas d’un désert comme affirmait le ministère de la Défense. Dans des moments critiques , beaucoup plus de personnes sont encore susceptibles de se mobiliser pour empêcher les chars de passer avec leurs corps désarmés . » (7)
Quelle clairvoyance dans ce que rapportent ces lignes !
Dans les numéros 0/72 et 1/72 sont publié es de nombreuses adresses de militants du mouvement non-violent en France :
Combat Nonviolent , Vendranges, 42590 Neulises (Les amis des Circauds ) ; Patrice Haslin - Antona, 22 allée de la Fontaine, F -93340 Le Raincy (CCP Michel Bouquet 2 244- 87 H, Rouen) ;
Anarchisme et Nonviolence , voir Patrice Haslin -Antona ; Lettre des Objecteurs , D. Arrive, 25 bis, rue Lamartine 1, F -69 Lyon 3e, (CCP Lyon 2592 - 23) ;
Survivre et vivre (revue militante pour la protection de l’environnement, l’antimilitarisme et les groupes d’action), 5 rue Thorel, F -75 Paris 2e (CCP 33 01748 La Source). (8)
Bref historique des 40 ans (de 1972 -2012) du militantisme anarchiste non-violent d’expression allemande
Ainsi les anarchistes-non-violents de langue allemande, qu’il s’agisse de groupes ou de simples individus, ont vécu dans l’élan de leur première phase d’un échange international. Et cela sans équivoque . D’abord avec des militants français, mais aussi indéniablement avec des Anglais si l’on se réfère aux débats sur la révolution non-violente que menaient les participants de la conférence international e de l’ IRG (Internationa le de résistants à la guerre) la même année 1972 à Sheffield/Angleterre. (9) D’ailleurs, à cette époque -là, les groupes adhérents à l’IRG menaient en alliance avec Greenpeace international – qui était un réseau de militants de base et de bénévoles (n’ayant rien à voir avec l’organisation bureaucratique du Greenpeace actuel) – des actions non-violentes contre les essais nucléaires de l’armée française sur l’archipel de Mururoa dans le Pacifique.
Les militants allemands se sont largement inspirés des expériences observées et/ou vécues au niveau international , pour débattre , définir des stratégies et des formes d’action , et agir sur le territoire de langue allemande. Sans oublier de mener des recherches sur les traditions similaires dans l’histoire des mouvements sociaux et anarchistes en Allema gne.
Tout près de Fessenheim – et de Markolsheim (Alsace) où s’est déroulée une campagne de contestation d’une usine chimique de plomb – commençaient, du côté allemand, les préparatifs pour la construction de la centrale nucléaire à Wyhl en région de Baden -Württemberg (qui faisait, d’ailleurs, partie d’une planification prévoyant environ 200 centrales nucléaires à implanter en Allemagne ), un projet rendu quasiment complètement impossible à réaliser par le mouvement anti-nucléaire. Comme en France, les militants allemands non-violents, antinucléaires et les protecteurs de l’environnement ont fait front commun avec des paysans locaux pendant les luttes et les premières occupations du site de construction à Wyhl 1974- 75. Ainsi le courant anarchiste non-violent est devenu cofondateur à la fois de la mouvance antinucléaire (contre les centrales nucléaires), écologiste et antimilitariste en Allemagne dans une époque où personne , dans d’autres milieux libertaires ou de la gauche dans son ensemble , ne s’ intéressait à la lutte antinucléaire.
Les anarchistes non-violents de Graswurzelrevolution ont introduit dans ce mouvement de masse , en plus de 40 ans , de nombreux concepts de lutte tels que l’occupation et la défense non-violente des sites ( son succès , devenu une inspiration mythique de la République libre de Wendland/Gorleben en 1980 en est un exemple ), la construction des villages écologistes - utopiques contre le site de construction d’une centrale de récupération des déchets nucléaires à Wackersdorf pendant les années 1980 ou bien à partir d es années 1990 ; les blocus très efficaces et réguliers des transports nucléaires à l’intérieur de l’Allemagne ainsi que de la Haye en France à Gorleben/Allemagne en constituent d’autres . Ce furent des actions de masse clés de la mouvance antinucléaire, conçues, propagées et parfois même conduites sur terrain par des militants des groupes d’action directe non-violente ; parmi lesquels se trouvaient des militants qui écrivaient pour Graswurzelrevolution, ou bien même participaient aux différents comités de rédaction. Ce mouvement de masse antinucléaire a réussi – en plusieurs étapes de la lutte – à contraindre , tant au plan économique que politique, en particulier à l’issue des débats sur les conséquences de l’accident phare à Fukushima/Japon en 2011, l’industrie et le gouvernement (dont les intérêts et les profits étaient conséquents !) à la déclaration gouvernementale (contre son gré) d’arrêter progressivement la production de l’énergie nucléaire en Allemagne jusqu’à l’arrêt définitif en 2022. On peut dire aujourd’hui que les activités des anarchistes non-violents autour de la revue Graswurzelrevolution dans ce champ de lutte ont abouti à une victoire phare de l’anarchisme dans l’Allemagne de l’ après-guerre . Avec toutes les expériences des années 1970, les groupes qui gravitaient autour de Graswurzelrevolution ont construit une organisation, la Föderation gewaltfreier Aktionsgruppen (FöGA ; Fédération des groupes d’action non-violente) active entre 1980 et 1997. Au -delà des 15 à 20 groupes que formaient les adhérents , on dénombre une centaine de groupes d’affinité ayant des contacts direct s avec l’organisation tout au long des années 1980. Avec cette structure, les groupes anarchistes non-violents ont exercé une influence notable. Car en plus des mouvements contre les centrales nucléaires ils ont participé aux mouvements pour la paix, qui a mobilisé à plusieurs reprises plus de 100 000 manifestants durant la première moitié des années 1980. Avec le développement de ce mouvement, l’action directe non-violente et la désobéissance civile se sont largement répandues en Allemagne. La FöGA animait un bureau de préparation des actions à Cologne et un comité d’entraînement d’action non-violente , qui a organisé de très nombreux week-ends et des stages pour apprendre les différentes tactiques d’ une stratégie d’action directe non-violente. C’est aussi à cette époque- là que les militants ont pris conscience de la nature patriarcale et sexiste des structures y compris au sein même des groupes non- violents. Dans certain s groupes locaux ainsi qu’au niveau supra régional les hommes et les femmes se réunissaient séparément . Les femmes militante s exigeaient des militants masculins qu’ils fassent une autocritique des structures et des comportements sexistes, qu’ils tirent des conclusions de ces analyses et prennent leurs responsabilités . Ces débats, qui ont été menés tout au long des années 1980, ont abouti à la création, par des militants masculins du réseau , de groupes d’action non-violente comme “Hommes contre la violence des hommes“, ou encore à la conduite d’ analyses soulignant l’ indéniable complémentarité entre patriarcat et militarisme. Toutes ces activité s n’ont pas permis que ce mouvement pour la paix, dont l’action a consisté à s’opposer à l’utilisation des armes nucléaires , se radicalise en un vrai mouvement antimilitariste contre toutes les guerres qui n’attend plus rien des gouvernements. Cet échec a été suivi dans les années 1990 par une phase inattendue, celle d’ une confrontation avec une nouvelle forme de racisme qui a commencé très tôt après l’unification des deux parties de l’Allemagne , consécutive à la chute du Mur en 1989-1990. Il a fallu beaucoup de temps pour nouer des contacts et des échanges durables entre les groupes non-violents de l’ Ouest et l’ex - opposition de l’ancienne RDA que ce soit avec des groupes ou des individus. L’état d’esprit utopique au sein des mouvements sociaux s’est métamorphosé durant la dernière décennie du XXe siècle en une atmosphère plombée appesantie par des actes de défense contre les racistes et les néo nazis dans les rues. Beaucoup de militants ont perdu leurs espérances utopistes pendant ces années-là. L’organisation de la FöGA n’a pas survécu à cette douloureuse expérience et a été dissoute en 1997. En même temps, une phase de restructuration des groupes a abouti à de nouveaux réseaux d’action non-violente dans le champ d’un militantisme restreint à des actions spécifiques, s’éloignant de la vision anarchiste -non-violente universelle. Ainsi se poursuivaient les actions non-violentes contre les transports nucléaires à Gorleben et s’initiaient des actions non-violentes contre les OGM dans les champs d’expérimentation des multinationales comme Montsanto.
La tentative d’établir une rédaction lesbienne au sein de la revue Graswurzelrevolution entre 1999 et 2001 (avec un bureau installé à Munich) a échoué. Cependant, les années de la première décennie du nouveau siècle ont connu une renaissance des actions et des réseaux d’action non-violente, notamment dans le domaine anti -nucléaire, ce qui a ravivé la flamme de l’espoir pour l’avenir de cette pensée anarchiste -non-violente et son militantisme.
Quelques remarques sur l’organe de presse Graswurzelrevolution
La revue de Graswurzelrevolution est née en 1972 du souhait des groupes d’action directe non-violente d’avoir un organe de presse qui exprime leur propre pensée . La rédaction de la revue a changé de lieux , de groupes ou bien de responsables : 1972- 1973 Augsburg ; 1974- 1976 Berlin ; 1976- 1978 Göttingen ; 1978- 1988 Hambourg ; 1988- 1992 Heidelberg ; 1992- 1995 Wustrow auprès de Gorleben ; 1995- 1999 Oldenbourg ; 1999- 2001 double rédaction à Münster/We stfalie et Munich ; depuis 2001 Münster/Westfal ie. Le tirage du journal est resté stable dans l’ensemble, soit entre 3 000 et 5 000 exemplaires (presque toujours entièrement vendus sauf 2 à 300 exemplaires), avec aujourd’hui 1 750 abonnées et une présence en kiosque depuis 1995. La revue a été produite pendant les années 1970 d’une manière bénévole par un comité de rédaction constitué de personnes provenant de groupes non-violents libertaires différents. Elle est devenue entre 1980 et 1997 l’organe mensuel public et officiel de l’organisation FöGA avec trois rédacteurs/rédactrices rémunérés – et en parallèle un organe interne à l’organisation pour les débats plus controversés, le FöGA -Rundbrief ; (Bulletin de l a FÖGA) paraissait . Ensuite la rédaction est redevenue bénévole et indépendante au sein du courant non-violent libertaire avec un comité éditorial de 25 personnes environ, comprenant une maison d’édition de livres (depuis 1998) et un supplément des jeunes anarchistes non-violents qui s’appelle Utopia de 2006 à 2011. Aujourd’hui, un seul rédacteur est rémunéré seulement pour la mise en page. Le comité des éditeurs se réunit tous les deux ou trois mois pour un week- end dans des villes différentes pour prendre les décisions conceptuelles.
La publication a commencé avec „Berliner Format“ en A2, pour devenir un magazine en A4 de 1979 à 1988 et revenir à une publication „Berliner Format“ A2 dès 1988. Conjointement à la revue proprement dite, des numéros spéciaux en A4 étaient diffusés portant sur des sujets comme „Femmes et militaire“ ; „ Résistance contre la conscription“ ; „ Économie alternative“ ; „Défense sociale“ ; „ Histoire de l’IRG (Internationale des résistants de la guerre)“ ; „ Critique de la démocratie p arl ement aire“ ; „ L’anarchisme et la non violence aujourd’hui“. Dans les années 1970- 1990 il y a eu de nombreux petits suppléments de groupes d’action non-violente locaux qui ont été joints aux exemplaires de la Graswurzelrevolution supra régionale. Un supplément très élaboré de la revue est paru sous forme d’une brochure complémentaire en 1977. Il s’agissait d’ une critique des actions de lutte armée de la Fraction d’armée rouge (RAF) d’un point de vue anarchiste non-violente. (10) Pendant les grand es mobilisations de masse pour la paix ou pour la lutte contre le nucléaire dans les années 1980 jusqu’à la première décennie du XXI e siècle, la revue a produit , de temps en temps , des 4 ou 8 pages d’extra séparés, gratuits, pour être distribués dans les manifestations. Les extra atteignaient parfois un tirage de 40 000 à 50 000 mille exemplaires, nommés „numéros de masse“.
La mise en page de forme dactylographiée jusqu’à la fin des années 1970 est devenue électronique par la suite , mais toujours avec des appareils et des programmes très en retard du point de vue technologique . L’imprimerie a souvent changé d’adresse pour se fixer enfin dès l’année 1988 à Caro-Druck/Francfort sur les ruunes du KBW, parti maoïste qui ayant volé en éclats a transmis ses biens financiers non négligeables à une maison écologiste (Öko -Haus) et à l’imprimerie alternative de Caro-Druck. Sachant que la revue est issue du courant alternatif antinucléaire qui critique la technique moderne, on peut dire que ce retard con cernant le design et la mise en page est d’une certaine manière en parfaite cohérence avec son contenu. Grâce à sa longévité et à sa diffusion par les anciens militants, la revue est lue au jourd’hui par des lecteurs largement au-delà et en dehors de la sphère militante anarchiste et non-violente , essentiellement par des journalistes de tous bords . On nous a rapporté le fait que même des journalistes de Frankfurter Allgemeine Zeitung , de la chaîne télé publique de l’ARD ou, depuis plus longtemps ceux du quotidien taz /Berlin ou bien du quotidien gauchiste Junge Welt /Berlin se livrent à la lecture régulière de nos publications . La revue tient un site Internet depuis le début des années 1990. On ne publie pas tous les articles d’un numéro tout de suite mais on les diffuse avec un délai de six mois. On prévoit de scanner tous les numéros, mais on n’y est pas encore parvenu. Sur Internet, il est quand même possible de trouver les titres de tous les articles avec les précisions du numéro et des pages de publication. Au niveau international, la revue est plus ou moins bien connue , notamment en tant que revue associée à l’IRG (Internationale des résistants de la guerre/Londres). La réception en dehors de l’Allemagne, notamment en France, est, cependant, encore occultée par de nombreuses publications sur la lutte armée de la RAF (Fraction d’armée rouge) . En France, il n’existe à ma connaissance aucun ouvrage sur le mouvement antinucléaire allemand (la mouvance phare des dernières décennies), ni sur les activités des anarchistes non-violents au sein de cette mouvance. (11) Pour améliorer c ette situation, on a commencé à publier des livres avec des entretiens de mémoire des anciens militants. (12)
Lou Marin
Notes :
1) : Hans Jürgen Degen : Anarchismus in Deutschland 1945- 1960. Die Föderation Freiheitlicher Sozialisten, Verlag Klemm & Oelschläger, Ulm 2002.
(2) : Uwe Brodrecht : Föderation Gewaltfreier Aktionsgruppen (FÖGA), in : DadAWeb, Lexikon der Anarchie : Organi sationen : http://www.dadaweb.de/wiki/Föderation_Gewaltfreier_Aktionsgruppen/Graswurzelrevolution _(FöGA ) .
(3) : Voir : André Bernard, Marcel Viaud : Anarchisme et Non-Violence : un groupe, une revue, in : Réfractions , no. 5, printemps 2000, pp. 89- 108.
(4) : Graswurzelrevolution , no. 0/72, p. 3.
(5) : Ibid, p. 4.
(6) : Ibid, pp. 6- 7. (
7) : Ibid, p. 7.
(8) : Graswurzelrevolution , no. 0/72, p. 8 et 1/72, p. 3.
(9) : Voir George Lakey, Michael Randle : Gewaltfreie Revolution , Éditions Oppo, Berlin 1988 qui porte sur ces débats au sein de l’IRG au début des années soixante -dix.
(10) : Feldzüge für ein sauberes Deutschland. Erklärung der gewaltfreien Aktionsgruppen in der BRD zu Terrorismus und Repression am Beispiel der „Mescalero“ -Affäre (Campagnes pour une Allemagne nettoyée . Déclaration des groupes d’action nonviolent en RFA sur térrorisme et répression à l’occasion de l’affaire “Mescalero“). Le texte entier est républié à plusieurs reprises, récemment dans : Johann Bauer : Ein weltweiter Aufbruch ! Gespräch über den gewaltfreien Anarchismus der Siebzigerjahre. Mit Grundsatztexten u.a. zur Kritik der RAF und zur “Mescalero“ -Affäre (Un départ mondial ! Entretien sur l’anarchisme nonviolent des années soixante- dix. Avec des textes principals entre autres sur la critique de la RAF et sur l’affaire “Mescalero“), Éditions Graswurzelrevolution, Nettersheim 2009, pp. 75- 119.
(11) : Voire le seul texte sur l’ histoire de la revue en langue français : Bernd Drücke : Histoire du journal Graswurzelrevolution, in : Réfractions , no. 5, printemps 2000, „Violence, contre-violence, non-violence anarchistes“, pp. 109 -120.
(12) : Voir Johann Bauer : Ein wel tweiter Aufbruch ! Gespräch über den gewaltfreien Anarchismus der Siebzigerjahre. Mit Grundsatztexten u.a. zur Kritik der RAF und zur Göttinger “Mescalero“ -Affäre , Éditions Graswurzelrevolution, Nettersheim 2009.