Pour que vienne l’insurrection
Publié dans le "Monde libertaire" 11 juin 2009.

Les grands problèmes non résolus.

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Les grands problèmes non résolus.

Les flics ont réussi un beau coup de pub au profit de L’Insurrection qui vient, texte probablement collectif, signé par un « Comité invisible » [1], coup de pub relayé par un entretien de Julien Coupat dans Le Monde du 26 mai 2009 [2]. Il s’agit d’un texte clair rapide, fait pour être lu avec plaisir, à diffuser malgré ses imperfections. Sa rhétorique révèle une solide culture bourgeoise, mise au service d’un projet qui l’est moins. Qu’importe qui parle, si ce qui est dit est utile.

On y trouvera une critique de fond, pertinente et sans compromis, du vide auquel aboutit la moribonde « civilisation du travail », incapable d’assurer un minimum de reconnaissance sociale à ceux qu’elle avait réduits jusqu’ici à « gagner leur vie » en échange d’un travail salarié. C’est le même « vide » qui caractérise les informations et les divertissements imposés par le système social actuel, en train d’accoucher de la dernière version du capitalisme : un totalitarisme (contrôle dans tous les domaines) justifié par une morale de l’austérité « écologique ». Bref, ce que d’autres, déjà, ont nommé l’« écofascisme ». On trouvera également dans cet ouvrage une critique sans ménagements des « milieux » non seulement syndicaux collaborationnistes, mais aussi politiques et militants les plus critiques.

On y trouvera aussi des propositions utiles, notamment celle de repartir des communes à échelle humaine et sans hiérarchie de domination : « Tout le pouvoir aux communes » (p.123).

Mais quelques grands problèmes n’y sont pas résolus, voire pas évoqués, même à peine.

1) Comment des populations entières peuvent-elles assurer leur survie dans les concentrations urbaines actuelles (y cultiver des carottes...), ou dans des climats de plus en plus hostiles (la fuite de ceux qui y survivaient grâce aux techniques traditionnelles ne s’explique pas seulement par l’exploitation colonialiste et néocolonialiste) ?

2) Comment acquérir les savoirs (juste reconnus comme nécessaires, au passage, p. 96, pour « constituer une agronomie de guerre, comprendre la biologie du plancton, la composition des sols »...) sans structures de recherche, en matière de biologie, etc., concernant la nourriture, la santé... mais aussi en matière de neuroscience et de sociologie critique, concernant l’installation et le maintien de l’arbitraire de tout « pouvoir » au sens de « pouvoir exercé sur » les groupes et les individus, c’est-à-dire concernant toute violence, physique, institutionnelle et informationnelle ? L’ouvrage ne distingue malheureusement pas entre l’objectivité, qui a ses règles et dont nous avons tous besoin, et cette pratique sociale largement orientée par les dominants (faute d’un contrôle par tous) et qu’on appelle confusément « la science ».

3) Comment se déconditionner de la passivité consumériste et surtout de la confance dans les chefs (élus ou non, démocratiquement ou non) ?

4) Comment se déconditionner du préjugé en faveur de la violence, en finir avec la confusion tenace entre le pacifisme et la non-violence collective ? Le « Comité invisible » n’a pas poussé la critique jusque là. Il prône encore la violence artisanale (les pavés, les cocktails Molotov...), pourtant vouée de toute évidence à l’échec immédiat, sans compter qu’elle aboutit seulement à perpétuer la spirale de la violence : on ne sort pas de la loi du plus fort. Les auteurs ne semblent pas miser sur la sensibilisation des populations appelées à participer à la lutte non-violente collective. Et là, on est dans l’extrême urgence : n’attendons pas qu’elles soient complètement anesthésiées et terrorisées.

François Sébastianoff

Pour un historique et une chronologie des articles en fonction de leur date de rédaction, cliquez ici.

Notes :

[1Publié aux éditions La Fabrique (diffusion Harmonia Mundi), déposé en mars 2007 et imprimé en avril 2009. 128 p., 7 €.

[2Le présent texte a été publié dans le Monde libertaire 11 juin 2009.




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